À PROPOS DE L’INTERVIEW
Pierre-Marie RELECOM, homme d’action aux multiples casquettes, ancien grand sportif, entrepreneur international, a récemment été interviewé par les Jeunes IHEDN en sa qualité de représentant de la Chambre de Commerce Franco-Indonésienne (IFCCI).
À PROPOS DE LA DÉLÉGATION INTERNATIONALE EN INDONÉSIE
La délégation des Jeunes IHEDN en Indonésie a ouvert le 1er janvier 2020. Son objectif est de promouvoir la compréhension des enjeux de défense et de sécurité propres à l’Indonésie, ainsi que la place très particulière que celle-ci occupe dans la région Asie-Pacifique. L’Indonésie est aujourd’hui confrontée à de nombreux défis économiques, politiques, sociaux, environnementaux, et bien sûr, sécuritaires. Mieux les comprendre, voici l’objectif que s’est donnée la délégation internationale en Indonésie des Jeunes IHEDN !
À PROPOS DE PIERRE-MARIE RELECOM
Pierre-Marie RELECOM a créé Relecom & Partners en 2007. Il a entretenu et développé des réseaux de haut-niveau en Italie, en Inde, dans les pays de l’ASEAN, en Amérique latine, au Moyen-Orient et en Afrique subsaharienne dans le cadre des nombreuses missions qu’il a conduites. Depuis juin 2020, Pierre-Marie RELECOM est le représentant de la Chambre de commerce franco-indonésienne (IFCCI) et il anime de nombreuses réunions afin de promouvoir l’Indonésie auprès des entreprises françaises et européennes. Il a été nommé plus jeune Conseiller du commerce extérieur du comité Paris. Pierre-Marie est enseignant-conférencier en Stratégies de développement sur les pays émergents à l’Université Paris-Dauphine. Les propos recueillis n’engagent que la responsabilité de Pierre-Marie RELECOM. Les idées ou opinions émises ne peuvent en aucun cas être considérées comme l’expression d’une position officielle de l’association Les Jeunes IHEDN.
INTERVIEW Interview de Pierre-Marie RELECOM : « L’Indonésie est un pays d’opportunités infinies »
LES CAHIERS DU COMITÉ ASIE N°19 Les Jeunes IHEDN. – Vous êtes aujourd’hui président-fondateur de Relecom & Partners et représentant de la Chambre de commerce francoindonésienne (IFCCI). Comment définiriez-vous vos ambitions ?
Pierre-Marie RELECOM. – J’avais déjà, avant l’épidémie du COVID-19, identifié que la zone ASEAN allait croissante, ayant un tissu industriel efficace, même si orientée sur les produits low-cost. Les populations ont une culture du travail que l’on rencontre peu ailleurs. La période du COVID-19 est passée par là, et finalement ces pays ont été peu impactés par la crise. Voire ils l’ont été positivement : on observe que nombreux sont les pays à réorienter leurs investissements de la Chine vers les pays de l’ASEAN avec en tête le Vietnam, suivi de l’Indonésie, qui sont les deux moteurs de la région.
Les Jeunes IHEDN. – Comment décririez-vous vos liens avec l’Indonésie ? Quelles opportunités et quelles difficultés entretenez-vous avec ce pays ?
Pierre-Marie RELECOM. – J’ai découvert ce pays en 2011. Etant membre des YPO « chapter France » cela m’a ouvert beaucoup de portes dans le pays. Les gens y sont très et facilement accessibles. Attention, il faut toutefois leur donner « du grain à moudre » sinon ils ne vous considèrent plus. Du point de vue des opportunités, le Président a abattu un travail considérable pour mettre son pays sur les rails d’une croissance durable (réglementation PPP, fonds de garanties, fonds souverain, omnibus law qui est une ode aux investisseurs étrangers, restructuration en cours des SOEs, …). Pour réussir la définition de sa vision, il a nommé des comités indépendants, apolitiques. Les chantiers sont énormes, tant du point de vue des infrastructures, que des transports, des utilities, … Coté difficultés : on a souvent à faire à des gens qui ont des positions élevés, qui maitrisent parfaitement les acronymes, mais qui ne comprennent in fine pas ce dont ils sont en charge (ie dans les transports urbains, dans les métiers de l’eau, dans les métiers de la défense, …) Et comment disait Gainsbourg, il faut savoir danser la Javanaise, sans risquer de les froisser (très susceptibles) !
Les Jeunes IHEDN. – Comment qualifieriez-vous les liens entretenus par la France et ses entreprises avec l’Indonésie ?
Pierre-Marie RELECOM. – Nous sommes sous-représentés… Les Italiens sont plus nombreux ! Il y aurait 7 000 français, dont la moitié à Bali… pour un pays de 270 millions d’habitants. Aux Emirats, les français sont plus de 30 000, par comparaison. Les français y étaient très présent jusqu’à la chute de Suharto, puis sont partis en courant avec la crise asiatique. Et aujourd’hui, les dirigeants qui sont à la tête des entreprises sont ceux qui ont vécu les crises indonésiennes et asiatiques et gardent une mauvaise image du pays. Qui, je le répète, a diamétralement changé depuis 2015.
Les Jeunes IHEDN. – Sur le plan géopolitique, quels sont les enjeux militaires qui se jouent en Indonésie ? Comment s’articulent-ils avec la récente doctrine « Indo-Pacifique » française ?
Pierre-Marie RELECOM. – (Il réfléchit) Les Chinois sont très agressifs sur les frontières régionales, et le seul contre-pouvoir sont les États-Unis. D’ailleurs, les États-Unis ont clairement mis les points sur les i au gouvernement indonésien : « vous jouez le jeu des Chinois », « fair enough », «on vous laisse vous débrouiller avec vos querelles frontalières ». Ou a contrario, « vous jouez notre partition, on vous apportera tout notre soutien pour la préservation de vos frontières ». Résultat : le gouvernement indonésien est en train d’annuler des dizaines de milliers de visas de travailleurs chinois sur son sol. Quant à la doctrine Indo-Pacifique de la France, je n’ai pas de commentaire. Si ce n’est que nous sommes trop peu présents diplomatiquement dans la région. Combien de présidents français sont venus ces 20 dernières années en Indonésie pour une visite d’Etat, versus les US ? Combien de ministres français depuis ces mêmes vingt ans ?
Les Jeunes IHEDN. – Succinctement, pourriez-vous nous présenter les ambitions des secteurs primaire, secondaire et tertiaire indonésiens ? Dans lequel accompagnez-vous le plus d’entreprises françaises ?
Pierre-Marie RELECOM. – L’Indonésie possède des ressources infinies, et elle est aussi en train d’évoluer sur ses réglementations environnementales. Idem sur les mines. Le pays est toujours un gros producteur de charbon, et cela prendra un peu de temps pour changer les mentalités populaires. Mais les élites sont plus rapides. Notamment avec l’engagement des financiers à être « carbon neutral » à l’avenir. Plus personne ne finance de centrales à charbon. Industriellement, ils sont sur le point, grâce aux gros contrats d’armement, d’accélérer la « premiumisation » de leurs industries. Avec la loi Omnibus, ils vont enfin nouer de vrais partenariats avec des groupes étrangers premiums, qui garderont le contrôle de leurs opérations, et transfèreront du savoir. Du point de vue des services aux collectivités et des utilities, il y a de gros efforts. Beaucoup étaient « nationalisés », mais sont en train d’être privatisés. On voit aussi une accélération des financements dans la « tech ».
Les Jeunes IHEDN. – Selon vous, quels sont les atouts de la France et des Français sur les marchés indonésiens ?
Pierre-Marie RELECOM. – Ils sont nombreux, notamment du point de vue technique, technologique. Mais il nous faut plus de soutiens politiques par rapport à nos grands concurrents, et il nous faut être plus à l’écoute du besoin réel de nos interlocuteurs.
Les Jeunes IHEDN. – La coopération européenne est-elle un vecteur important de la stratégie française en Indonésie ? Si oui dans quel(s) secteur(s) ?
Pierre-Marie RELECOM. – Au contraire, elle dessert… Je rappelle qu’il y a un (gros) point de blocage autour de l’huile de palme et des sanctions opposées à l’Indonésie… Si on est Français, restons Français avant d’être européens, nous aurons plus de chances de pousser nos pions avec succès.
Les Jeunes IHEDN. – Avez-vous des recommandations en quelques mots, pour les Français qui souhaiteraient entreprendre en Indonésie ?
Pierre-Marie RELECOM. – Courrez-y, mais soyez humbles, résilients et bosseurs car c’est un pays d’opportunités infinies où vous trouverez des gens de qualité et travailleurs. Susceptibles aussi. Les marchés et jeux concurrentiels peuvent être difficiles à appréhender, mais je ne connais pas d’entrepreneur français qui se soit rendu en Indonésie et qui n’y ait pas développé des entreprises à succès.
Propos recueillis par le comité Asie-Océanie et la délégation Indonésie Le 05 mai 2021
https://jeunes-ihedn.org/dossier-les-cahiers-du-comite-asie-n19-interview-du-capitaine-de-vaisseau-yannick-rest-attache-de-defense-a-singapour-2/